Des mots, simplement des mots ...

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Histoires vraies de la maréchaussée - Il était où le Kiki à sa mémère ?

Il était où le Kiki à sa mémère !

 

 

 

 

L'accroissement de la circulation automobile, au début du XX ème siècle a entraîné naturellement une surveillance accrue des axes routiers. Très rapidement la mission d’observation du trafic va être abandonnée pour laisser place à un véritable service de régulation et de contrôle avec l'apparition d'un nouveau vocable : le service de police sur la route. Ses missions essentielles seront la régulation, la prévention des infractions par une présence visible et une phase plus répressive avec l'établissement de contraventions. Au cours des années soixante, les unités de gendarmerie étaient en charge du secours routier. Les unités de motocyclistes se révélaient tout à fait adaptées à la mission de police de la route avec des engins d'une redoutable efficacité, maniables, rapides et capables de se faufiler dans le trafic en raison de son faible encombrement sur la chaussée.

Ainsi, les motocyclistes de la gendarmerie, même s'ils possédaient déjà le permis de conduire pour la pratique de la motocyclette, suivaient tous une formation à la conduite à ce qu'est devenu maintenant le Centre National de formation à la Sécurité Routière. Surnommés « Les Anges de la Route », ces motocyclistes exceptionnels sont respectés et redoutés par tout ce qui roule sur nos routes. Mais, bien loin de cette attitude parfois rigide, les « Anges de la Route » peuvent parfois se montrer sous un autre jour et se révéler de sacrés farceurs. L'histoire m'a été racontée par un camarade motocycliste que j'appellerais Michel.D, fort connu et reconnu dans l'institution par ses très belles bacchantes qui peuvent lui conférer un air sévère et redoutable ou soit totalement l'inverse.

Un jour, en service commandé de police de la route, sur nos belles départementales héraultaises, il était en patrouille avec un camarade. En tenue de motocycliste, les bottes soigneusement cirées, la moustache minutieusement lissée, il surveillait le trafic routier relativement dense en ce beau dimanche. Les usagers de la route ralentissaient instinctivement en passant devant ces deux militaires en bord de route avec les deux puissantes BMW, garées en épi et prêtes à se lancer à la poursuite du premier chauffard.

L'après-midi se passait sans qu'il y ait matière à verbaliser. Le gendarme Michel D. en homme de terrain et d'action, ne pouvait rester longtemps inactif. Il décida donc d'intercepter et de contrôler les véhicules et leurs occupants, juste de façon à vérifier que tout était en règle.

Les contrôles administratifs s’enchaînaient, les uns après les autres. Presque à chaque fois, les conducteurs sortaient fébrilement leurs « papiers » de crainte d'être en faute mais repartaient toujours avec le sourire et avec un mot amical du gendarme. Un dimanche comme les autres sur les routes.

Voilà au loin, à la vue de la patrouille de gendarmerie, qu'un véhicule ralentit considérablement mais sans pour autant gêné la circulation. Le gendarme Michel D. le sourcil interrogateur pense déceler un comportement quelque peu suspect. Le conducteur serait-il en infraction ? Peut-être un défaut d'assurance ou de permis de conduire ? Ou même une conduite en état d'ébriété après un repas dominical un peu trop arrosé ?

Immédiatement Michel D. se place au milieu de la chaussée intimant l'ordre au conducteur de stationner son véhicule sur l’accotement. Le véhicule ralentit encore davantage et c'est au pas que sa conductrice se gare. La dame est d'un âge respectable. Elle est visiblement un peu affolée d'être arrêtée par la maréchaussée.

 

  • Peuchère, la pauvre, j'espère qu'elle ne va pas me faire un malaire, se dit-il en la laissant se garer.

     

Comme l'interception ne fait pas suite à une infraction à la circulation routière mais pour un simple contrôle administratifs des documents liés au véhicule et à sa circulation, il n'y a pas lieu de se montrer martial. La vieille dame n'est pas seule à bord, elle voyage avec un adorable petit caniche qui a trouvé sa place sur le siège avant droit. Il trône sur le siège, sage et attentif à la circulation et pour marquer son territoire, il a posé ses pattes sur le tableau de bord, la truffe collée contre le pare-brise. La vieille dame s’inquiète d'avoir commis - à son insu - une infraction au code de la route, affirmant que si tel était le cas, elle ne s'en était absolument pas rendue compte.

 

  • Mais non Madame, il ne s'agit que d'un simple contrôle. Pouvez-vous, s'il vous plaît, me présenter les documents afférents à la conduite et à la mise en circulation de votre véhicule, s'il vous plaît ?

  • Comment ?

     

Cette formule apprise en école de gendarmerie a toujours laissé les conducteurs perplexes, ce qui nécessite souvent de préciser que l'on souhaite vérifier le permis de conduire, le certificat d'immatriculation, l'attestation d'assurance et le passage au contrôle technique. Comprenant qu'elle n'était pas en faute et n'avait commis aucune infraction au code de la route,la conductrice se montra plus détendue et souriante. Elle avoua ravie au motocycliste que c'était la première fois qu'elle faisait l'objet d'un contrôle de la gendarmerie depuis qu'elle avait son permis de conduire.

 

  • Eh bien, vous voyez, il y a un début à tout, si en cinquante ans c'est votre premier contrôle

Puis, d'un air sérieux, les moustaches spartiates, le gendarme lui demande :

 

  • Et votre chien … C'est un caniche ?

  • Oui. Oui, c'est mon Kiki, c'est mon caniche. Il est beau, hein ? Kiki, dis bonjour au monsieur.

  • Oui, il est en effet très beau. Mais Kiki, il a quel âge ?

  • Eh bien, dit-elle en réfléchissant. Il a huit ans. Oui, c'est ça, il a eu huit ans, il y a quelques mois.

  • Huit ans mais dites-donc, vous voilà en infraction !

  • Comment ça ?

    Madame, vous n'êtes pas sans savoir qu'un passager assis à l'avant d'un véhicule doit être âgé de ans minimum et en plus il n'est pas porteur de la ceinture de sécurité. Donc voilà deux contraventions.

  • Mais … Monsieur le gendarme, je ne savais pas pour les chiens ?

  • Eh oui, la loi c'est la loi !

  • Allez vilain Kiki, tu vas me faire avoir un procès. Allez Kiki, hop derrière ! File chenapan.

Enjoignant le geste à la parole, voilà que le brave toutou fait un bond sur la banquette arrière. Mais dame, c'est que l'animal, choyé et dorloté comme un prince, n'a ppas l'habitude de voyager en seconde classe. Sa place est à l'avant, à côtés de sa maîtresse et ce n'est pas ce bonhomme, ce chat botté à la grosse moustache qui va l'obliger à rester à l'arrière.

À peine arrive-t-il sur la banquette qu'il reprend immédiatement sa place à l'avant droit. Il faut reconnaître que le caniche a la réputation d'avoir un sacré caractère. S'il est un excellent chien de compagnie et qu'il s'adapte à merveille aux habitudes de son maître, il peut être aussi calme que turbulent et même s'il est très intelligent, il est d'une nature jalouse avec les êtres humains.

Et le bon Kiki n'échappait pas à ces caractéristiques. Il se considérait comme l'égal de sa maîtresse et n'acceptait pas d'être relégué au second plan par un bipède qui portait presque les mêmes moustaches que lui. Sa place était et avait toujours été à l'avant de la voiture, à la droite de sa maîtresse. De cet emplacement privilégie, il pouvait tout à loisir observer la route, regardait les gens sur les trottoirs et surtout aboyait tout à sa guise et sans risque à chaque fois qu'il apercevait un de ces congénères.

 

  • Kiki, je vais ma fâcher. Allez ! Va derrière et vite, supplia presque la conductrice.

Mais le pauvre Kiki ne comprenait pas. Il refusait obstinément d'obéir en se demandant quelle mouche avait bien pu piquer sa maîtresse pour qu'elle se comporte de la sorte. Après plusieurs tentatives, toutes aussi infructueuses, la pauvre dame ne sait plus quoi faire et regarde d'un air désespéré le gendarme.

 

  • Allez, je vous fais marcher mais pour votre sécurité, il est plus prudent de transporter Kiki à l'arrière du véhicule.

  • Vous n'allez pas me verbalise ?

  • Non, je vous le promets mais à l'avenir soyez plus prudente !

  • Mais je vais le faire tout de suite, si vous dites que c'est pour ma sécurité !

Et voilà le Kiki condamné aux places arrières et plus question de frauder puisqu'il est maintenant attaché par le collier à la ceinture de sécurité. C'est en se confondant en excuses que la brave dame reprend sa route convaincue désormais que Kiki ne risquait plus rien en cas d'accident.

 

 



05/11/2016
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