Des mots, simplement des mots ...

Des mots, simplement des mots ...

Histoires vraies de la maréchaussée - Au feu les pompiers !

Au feu les pompiers !

 





Toujours une histoire de motocycliste.

Mon ami motocycliste et maintenant réserviste de la gendarmerie Michel D. en a connu des aventures tout au long de ses trente-sept ans de carrière sur le bord de la route et il me racontait dernièrement qu'à la fin des années quatre-vingt, alors qu'il se trouvait en poste dans la région de Rodez, dans l’Aveyron, il assurait, avec son binôme que nous prénommerons Max, et par un beau dimanche après-midi, un service de contrôle de vitesse. À cette époque, le dispositif de contrôle de la vitesse que tout le monde comparait à un barbecue s'appelait pour les professionnels « Mesta 206 ». Ce radar, véritable ancêtre de nos radars actuels, n'était pour le moins pas discret, c'est le moins que l'on puisse dire et surtout délicat à mettre en œuvre puisqu'il ne pouvait pas être utilisé par temps de pluie, devait toujours avoir un angle de visée de 25°, ne pas être à proximité d'émissions radioélectriques et ne pas être en retrait de la chaussée de plus de trois mètres. Malgré ces inconvénients, le « Mesta 206 » a fait les beaux jours de la gendarmerie et a été une hantise pour les amateurs de vitesse.

En ce dimanche-là, sur la RN 88, au sud de Rodez, au lieu dit « La Boissonnade », petit hameau dépendant de la commune de Luc La Primaube, il n'y avait pas foule et les deux militaires de la gendarmerie s'ennuyaient sérieusement. Il faut bien avouer que dans l'Aveyron, la circulation automobile habituellement calme, l'était encore davantage ce dimanche. Max, vieux motard, excellent professionnel, conteur inépuisable était proche de la retraite tandis que Michel commençait sa carrière de gendarme motocycliste. Les heures passaient lentement, beaucoup trop lentement et aucun poisson n'était encore venu se prendre dans les mailles du filet du « Mesta 206 ».

Les deux motocyclistes envisageaient de changer de poste de contrôle lorsque au loin ils comprirent la raison de cette absence d'infractions à la vitesse.

Des appels de phare.

Les automobilistes se prévenaient entre-eux de la présence des gendarmes. Ce geste simple, presque un automatisme pour les automobilistes. Des doigts qui s'agrippent presque instinctivement sur le comodo et hop, ni vu ni connu … on signale la présence des gendarmes sur la route aux autres automobilistes qui s’élançaient insouciants vers le terrible guêpier tendu par les forces de l'ordre. Voilà ce que pense tout le monde de ce petit geste considéré comme « citoyen » ou comme une politesse rendue.

Mais pour Max, les appels de phare présentaient bien d'autres inconvénients et il décidait de donner une petite leçon à cet automobiliste si prévenant qui depuis le bout de la grande ligne droite, s'excitait sur sa commande de code-phare. Après s'être posté au milieu de la chaussée, il intima l'ordre au conducteur de se garer sur l'accotement de la chaussée.

Le véhicule garée, Max prit un air affolé en cria sans même s'être présenté :

  • Vite...sortez immédiatement et mettez vous à l’abri sur le côté, votre voiture doit avoir un problème électrique.... elle va prendre feu

  • Un problème ? répondit le conducteur surpris.

  • Oui, c'est sérieux, vite sortez de la voiture et écartez-vous !

  • Mais … mais, bafouilla le conducteur tandis que sa passagère était déjà sortie de la voiture et s'en était éloignée à toute vitesse de plusieurs mètres.

     

     

  • Vous avez un grave problème électrique, Monsieur. Vous pouvez dire que vous avez de la chance que nous soyons là.

  • Ah bon ?

  • Oui, en roulant vous avez les phares qui s’allument ... puis s’éteignent … et se rallument à nouveau … c'est sûrement un court-circuit ! Votre voiture risque de prendre feu, d'un instant à l'autre ...!

  • Vous êtes sûr ?

  • Oh que oui, vous savez on en voit tellement sur la route, affirma Max tout à fait sérieux et crédible.



L'homme ne pouvait qu’écouter le motard même si, dans son for intérieur, il pensait avoir à faire à deux nigauds. Pouvait-il avouer qu'il faisait des appels de phares aux autres conducteurs sans risquer de prendre une amende ?

Pris à son propre jeu, il jouait la comédie, penché sur son moteur et faisant mine de rechercher une panne, un faisceau électrique débranché ou défectueux tout en écoutant le gendarme qui continuait à dramatiser en prétendant qu'un fil devait faire masse et allait provoquer l'étincelle qui déclencherait l'embrasement du véhicule.

  • Vous comprenez Monsieur, si mon rôle est parfois de verbaliser les conducteurs imprudents, je me dois aussi de prévenir de tout risque d'accident et là, avec ce problème électrique, je ne peux pas vous laisser repartir comme ça !

  • Mais, nous n'allons pas loin, nous habitons à quelques kilomètres, et nous sommes attendus ! Déclarait la passagère, une jolie blonde court vêtue.

  • Oui, j'entends bien mais personne ne peut dire à quel moment votre voiture va prendre feu. Non, je ne peux pas vous laisser prendre ce risque, c'est beaucoup trop dangereux.

  • Mais on ne va pas rester là ? Se plaignait-elle n'ayant à ce moment pas encore fait le rapprochement avec les appels de phare.

  • Il faut trouver l'origine de la panne ! Déclara Max, c'est la seule solution. Sinon après il restera le dépannage ...



Dépité et ne sachant pas comment se sortir de cet imbroglio, l'homme se plonge à nouveau dans le moteur, tripotant un peu partout dans le moteur, vérifiant les fils électriques puis les bornes de la batterie pour finalement se mettre du cambouis plein les mains. Sa compagne, par précaution, lui relevant les manches de sa jolie chemise blanche.

  • Si vous le voulez Monsieur, je fais appel à un dépanneur, proposa Max. Il remorquera votre voiture et pourra peut-être vous déposer à votre domicile ....

  • Ben c'est à dire que …

  • Mais un dimanche et avec ce beau temps, ça va nous prendre l’après midi et surtout ça va vous coûter un bras !

  • Heu, non. Ce n'est pas la peine, murmure le conducteur en relevant le nez de son moteur.



C'est que maintenant la jeune femme s'impatiente, si elle a vraiment cru au début que la voiture risquait de prendre feu, elle comprend qu'il ne s'agissait que d'appels de phares et elle n'a aucune envie de perdre une partie de son après-midi au bord de la route. Encore quelques minutes avant que Max décide de mettre fin à cette situation ubuesque.

  • Monsieur, vous pensiez nous prendre pour des imbéciles ?

  • Heu, non Monsieur le gendarme, je ne me permettrais pas !

  • Voyez-vous, la situation s’est retournée contre vous...!

  • Comment ça ?

  • Vous n’étiez pas en infraction à la vitesse !

  • Non, je roulais tranquillement et …

  • Et vous avez perdu presque un quart d'heure, le nez dans votre moteur à rechercher une panne qui n'existait pas et , le pire de tout, c'est que vous le saviez pertinemment.

  • Ben …

  • Eh oui, un quart d'heure et vous avez les mains sales et votre chemise est trempée de sueur et vous savez quoi !

  • Non !

  • Le plus grave, c’est que vous avez peut-être fait des appels de phares à des malfaiteurs, des cambrioleurs ou un un individu qui est recherché ou qui a enlevé un gosse !



Les mains noires de graisse et le regard d'un chien battu, le conducteur admet sa faute. Remis en circulation en se confondant d'excuses, il a promis que la leçon qu'il venait de recevoir était méritée et resterait marquée dans sa mémoire. En repartant, il a juré que plus jamais il ne ferait d'appels de phare pour prévenir de la présence des forces de l'ordre. Tandis que le véhicule se remettait lentement en circulation, toutes vitres ouvertes, le gendarme Max a cru entendre la passagère dire à son mari :

  • T'es vraiment trop con !



07/11/2016
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi